Jeux vidéos : nouveau jazz

Bon, si vous voulez la vérité, toute la vérité dîtes-je-le-jure, j’aurais aimé rédiger ma chronique sur le bilan de la deuxième année de notre école de musique (qui se porte très bien, merci), mais comble du plaisir, un nouveau jeu de Zelda est sorti. Cela amène ceci, mon esprit tergiverse entre le plan du réel et du virtuel. Entre deux séances de jeu, je me surprends à fredonner les mélodies que je connais maintenant si bien.

Entre 1920 et 1950, plusieurs compositions issues des mondes du Tin Pan (musique populaire des années 1920), de Broadway, du cinéma et de compositeurs de jazz forment alors le noyau des standards jazz. Ces œuvres sont transmises oralement et forment un substrat sur lequel une culture commune peut croître. Les airs de musique sont non seulement joués, mais ils sont modifiés, adaptés et cités. Il s’opère une réelle appropriation de la musique populaire, qui quitte alors ses confins d’origine qui appartiennent à la communauté.

Atteindre l’universel

Aux débuts des années 1970, deux étudiants de Berklee à Boston assemblent plusieurs pièces de la culture populaire sous le nom du Real Book. Ce livre de partitions recense les mélodies et les accords des œuvres, offrant ainsi des références aux nouvelles générations qui n’ont pas baigné dans la culture des années 1920-1950. Ainsi, sans avoir vu le film Les Portes de la nuit, plusieurs peuvent apprivoiser la pièce Les Feuilles Mortes (Autumn Leaves). Ainsi, les nouvelles formes d’arts qu’étaient le cinéma et les comédies musicales ont permis la création d’une musique populaire qui allait façonner le développement de la musique au XXe siècle.

Un peu de la même manière, quand je joue les quelques notes du monde sous-terrain de Mario Bros (dou-dou dou-dou dou-dou), de moins en moins d’élèves ont joué au jeu original, mais de plus en plus reconnaissent le titre. Le parallèle est foudroyant : nous nous éloignons de la genèse de ces mélodies maintenant répandues dans le zeitgeist.

Ces œuvres, comme celles de jazz, sont maintenant réunies dans des livres. On retrouve de plus en plus d’orchestres qui reprennent la musique des jeux vidéos, des big band jazz aux groupes de reprises métal en passant par la musique d’étude et de travail. Comme dans le jazz, les mélodies sont remaniées, citées, incorporées et tout simplement, partagées.

Les compositeurs de jeux vidéo, comme Koji Kondo (Mario Bros et Zelda), Nobuo Uematsu (Final Fantasy), ou David Wise (Donkey Kong), laisseront une marque indélébile sur la toile musicale du XXe et XXIe siècle. Du même coup, ils laisseront une empreinte profonde sur développement du patrimoine musical. Au même titre que les mains du cinéma ont sculpté la dissémination de la musique populaire au XXe siècle, l’industrie du jeu vidéo en fait de même pour le XXIe siècle.

Quand je vacille entre le réel et le virtuel, je me retrouve face à des mélodies riches de sens. Le remaniement de mélodies connues évoque une re-connexion avec une partie de moi qui reste inchangée et le constat obligatoire que les choses changent. Vous comprendrez que je dois cesser ma chronique, le monde d’Hyrule attend mon retour avec impatience (je pense).