Corruption et mirlitons
Bonne fête est la chanson anglophone la plus facilement identifiable selon le livre des records Guinness. Or, derrière ce succès planétaire plane des mystères, de la corruption et de la fraude. Au cœur de cette histoire turbulente, voici un aperçu d’un récit d’usurpation et d’appât du gain.
Pour bien comprendre la suite de l’histoire de la chanson, il est primordial de saisir les méandres labyrinthiques des droits d’auteurs. Dans son essence, le droit d’auteur cherche à protéger le créateur en lui offrant le contrôle sur la manière dont l’œuvre est utilisée. Au Canada, le droit d’auteur s’étend jusqu’à 70 ans après la mort du créateur. Ce sont ces outils qui permettent aux créateurs de recueillir des redevances sur leurs œuvres.
En contrepartie, le domaine public englobe l’usage des œuvres qui ne sont plus restreintes par la loi. Bien que toujours encadré par le droit moral, les règles d’utilisation des d’œuvres du domaine public sont beaucoup plus laxes. Bonne fête a transigé de compagnie en compagnie, gardant ainsi son droit d’auteur actif pendant près de 100 ans.
Folklore et faut de l’or
L’origine de la chanson est empreinte de flou. Bien que la mélodie soit attribuée à deux institutrices américaines – Patty et Mildred Hill – en 1893, elle possède des similarités avec d’autres chansons composées dès 1858. Au même titre, les paroles de la chanson sont cristallisées officiellement en 1924 par Robert Coleman, bien qu’il existe des apparitions partielles dès 1901.
Les arrangements pour piano par Preton Ware Orem et les paroles de R. R. Forman sont publiés par la Summy Company en 1935. Cette publication permet donc à la compagnie de posséder les droits d’auteurs de la chanson. Au cours des années, la Summy Company devient Summy-Birchard en 1947 et ensuite une division de Birch Tree Group en 1970. En 1988, Warner achète la compagnie pour la coquette somme de 25 millions (65 millions en dollars d’aujourd’hui), et ainsi les droits de la chanson Bonne Fête.
Dès lors, Warner insiste pour que personne ne puisse chanter la chanson sans payer de droit. En 2008, c’est près de 5000$ US que la compagnie récolte quotidiennement (!) en droit d’auteur. Pour chaque utilisation dans des films, à la télévision, à la radio et au public, un paiement est dû. Oui oui, vous l’ignoriez peut-être, mais vos bonnes fêtes en famille ont été un acte illégal et criminel.
Or, en 2013, Jennifer Nelson travaille sur un reportage sur la chanson elle-même et doit payer la somme de 1500$ à Warner afin de l’utiliser dans son film. Surprise par la somme, elle entame des recherches et considère que la pièce appartient à tout le monde. En 2015, un juge donne raison à Nelson et soutient que Warner ont seulement obtenu le droit d’auteur de l’arrangement de piano et non pas de la mélodie ni des paroles.
Ainsi, après 2 ans de tribunal, Warner s’est vu contraint de dédommager toutes les parties qui ont dû payer des droits pour la chanson et, maintenant, vous pouvez chanter, la conscience tranquille, Bonne Fête.
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